Sous-commission clinique de la Commission fédérale pour les questions liées au sida (CFS): Recommandations préliminaires pour la prophylaxie postexposition du VIH hors environnement médical
(Bulletin de l'Office fédéral de la santé publique 1997;50:4-8, 22. 12.1997)
Bien que de nombreux doutes
subsistent, l'efficacité d'une prophylaxie post-exposition du VIH
(PEP-VIH) après un éventuel contact avec le VIH lors d'un
rapport sexuel non protégé ou lors de l'utilisation commune
de matériel d‘injection entre personnes consommant des drogues est
présumée efficace. La Sous-commission clinique de la Commission
fédérale pour les questions liées au sida recommande
donc une PEP-VIH suite à un contact avec un/e partenaire dont la
sérologie VIH est connue positive, en présence de rapport
vaginal ou anal non protégé, de rapport oral avec éjaculation
et en cas de partage de seringues. Si la sérologie VIH de la personne-source
est inconnu, la prescription d'une PEP-VIH doit être considérée
de cas en cas.
La disponibilité de la PEP-HIV ne change rien aux messages de prévention
bien connus: les préservatifs et l'utilisation de matériel
d'injection stérile restent les moyens les plus simples et les plus
efficaces de prévenir la transmission du VIH.
1. Introduction
En août 1990, la Sous-commission clinique
de la Commission fédérale pour les questions liées
au Sida a recommandé pour la première fois une prophylaxie
post-exposition du VIH (prise préventive de médicaments anti-VIH
ou PEP-VIH) en cas de blessures en milieu médical. Une étude
cas-contrôle effectuée auprès du personnel médical
exposé au VIH et publiée fin 1995 a démontré
que la PEP-VIH par AZT réduisait de 80% (1) le risque d'infection
VIH suite à des blessures. Depuis, la PEP-VIH est largement utilisée
en milieu professionnel médical. Avec, en 1997, la seconde révision
des recommandations concernant la PEP-VIH (2) et la preuve de son efficacité
en milieu médical, s'est posé la question si ces recommandations
ne devaient pas s'étendre également aux situations ne relevant
pas d'un accident professionnel chez le personnel médical. Bien
que, pour l'instant, des données concernant l'être humain
fassent encore défaut, des études faites chez des primates
suggèrent une probable efficacité en la matière (3-5).
Le risque d'une transmission du VIH par blessure percutanée au moyen
d'une aiguille contenant du sang infecté est de l'ordre de 0.3%
en milieu hospitalier. D'autre formes d‘exposition au VIH, soit par contact
sexuel, soit par partage de seringues avec des personnes séropositives,
comportent un risque similaire (6-11). Par contre, le risque d'une transmission
du VIH par blessure en rapport avec une seringue abandonnée est
extrêmement faible (12, 13).
Les messages de prévention visant à éviter les infections
VIH ne sont aucunement modifiés par l'existence de la PEP-VIH. Les
moyens simples et efficaces d'empêcher la transmission du VIH, l'utilisation
de préservatifs (safer sex) et de matériel d'injection stérile
(safer use) restent d'actualité. La PEP-VIH est probablement un
outil supplémentaire dans la lutte contre le VIH et le sida, mais
ne peut en aucun cas se substituer à la prévention primaire.
2. Fondements
2.1 Bases
La chimio-prophylaxie
doit en principe prévenir l'infection cellulaire initiale et limiter
la propagation locale du VIH. Le délai après exposition pendant
lequel les médicaments antiretroviraux sont en mesure d'empêcher
l'infection n'est pas connu. La décision de prescrire une PEP-HIV
doit être évaluée en fonction de la situation individuelle.
En cas d'incertitude, l'avis d'un centre spécialisé est recommandé.
Dans un travail de revue sur le risque de transmission du VIH lors de rapports
sexuels (14), Royce et coll. relèvent les facteurs suivants associés
à un degré plus élevé d‘infectiosité
chez la „personne source„: virémie élevée, infection
VIH avancée, menstruation en cours chez la „partenaire source„,
lésions des muqueuses ou état inflammatoire des organes génitaux.
A l'opposé, une virémie basse et les rapports sexuels sans
éjaculation se trouvent associés à un risque moindre
de transmission.
Pour ce qui est de l'évaluation du risque en cas d'exposition parentérale,
nous renvoyons à notre publication antérieure (2) sur la
PEP-VIH en milieu médical. La prophylaxie médicamenteuse
doit en tout cas s'accompagner d'un entretien personnalisé.
2.2 Utilité potentielle
La PEP-VIH peut sans doute prévenir une partie des infections
VIH potentielles. Une analyse publiée récemment (15) fait
état d'un rapport coût/bénéfice favorable de
la PEP-VIH lors d'exposition au VIH par contact sexuel ou par utilisation
commune de seringues en cas de séropositivité du ou de la
partenaire.
2.3 Inconvénients
potentiels
Les problèmes éventuellement liés à
la PEP-HIV concernent en premier lieu la tolérance, la toxicité
potentielle à long terme et une compliance insuffisante:
2.4. Importance de la
prévention
Les effets négatifs que l'offre de la PEP-VIH peut induire
en matière de prévention et de comportement individuel d'autoprotection
doivent être considérés de manière critique.L'utilisation
du préservatif et/ou de matériel d'injection stérile
ne doivent pas reculer sous le faux prétexte que la disponibilité
de la PEP-VIH remplace la prévention primaire. C'est pourquoi l'indication
d'une PEP-VIH doit toujours également faire l'objet d'un entretien
personnalisé comprenant entre autres des informations et explications
adéquates au sujet de l'importance du safer sex et du safer use,
de l'utilisation correcte des préservatifs et de la disponibilité
de matériel d'injection stérile pour les personnes consommant
de la drogue.
3. Procédures
3.1 Indications
La prophylaxie
antirétrovirale devrait être propsée dans les situations
suivantes:
Une PEP-VIH est particulièrement
indiquée dans les situations ne comprenant qu'une exposition unique
ou qui permettent de supposer qu'à l'avenir, un meilleur comportement
préventif sera observé (p.ex. utilisation du préservatif
et/ou de seringues stériles). La prophylaxie est par ailleurs spécialement
recommandée dans les cas où la „personne source„ est sujette
à une infection VIH avancée ou à une virémie
élevée. Par contre, la prescription de la PEP-VIH devrait
être utilisée de manière restrictive lorsque le sérostatut
de la „personne source„ est inconnu. Un entretien personnalisé permettra
d'évaluer soigneusement le risque individuel encouri. Car comportement
à risque n‘est pas nécessairement synonyme de véritable
exposition au VIH.
Si une hépatite B chronique (Ag HBe et/ou Ag HBs) est connue chez
la „personne source„, il est recommandé d'immuniser contre l'hépatite
B toutes les personnes exposées non encore vaccinées. Lors
de blessures ou piqûres occasionnées hors du milieu hospitalier
par des seringues abandonnées, le risque de transmission du VIH
est minime, voire négligeable. Une PEP-VIH ne sera donc envisagée
qu'à titre exceptionnel.
Par contre, il est indiqué de procéder à un rappel
antitétanique si la dernière vaccination remonte à
plus de 10 ans, et à une immunisation contre l'hépatite B
chez les personnes non vaccinées.
3.2 . Intervalle de temps
entre l'exposition et le traitement
L'expérience acquise à ce jour en matière
de PEP-VIH en milieu hospitalier ne permet pas de déterminer avec
précision un délai précis entre le moment de l'exposition
et le début du traitement. Sur la base d'expérimentation
animale, de considérations pratiques et compte tenu du rapport coût/bénéfice,
il est recommandé de mettre en place une PEP-VIH en général
dans les 72 heures suivant l'exposition. Des données experimentales
suggèrent d'instaurer une PEP-HIV le plus tôt possible, idéalement
dans les premières heures qui suivent l'exposition.
3.3 Choix des médicaments
La prophylaxie antirétrovirale devrait comporter les mêmes
médicaments que ceux utilisés pour la PEP-VIH en milieu médical
(table 1). Théoriquement, on devrait privilégier
les médicaments à action rapide (p.ex. les inhibiteurs non-nucléosidiques
de la rétrotranscriptase [NNRTI] qui ne nécessitent pas d'activation
initiale par phosphorylation intracellulaire) (16). Les données
cliniques chez l'homme concernant l'utilisation des NNRTI telles la névirapine
ou la delvirdine n'existent pas pour l'instant.
Il y a lieu, notamment lorsque la „personne source„ a déjà
subi des traitements ou est sujette à une virémie élevée,
de tenir compte de l'éventualité d'un virus résistant
et d'adapter, le cas échéant, la prophylaxie antirétrovirale
chez la personne exposée. Dans cett situation, la concertation avec
un centre de référence en matière de VIH est indiquée.
3.4 Durée de la
prophylaxie
La PEP-VIH devra être poursuivie – de manière analogue
à ce qui est pratiqué après exposition professionnelle
– pendant 2 à 4 semaines. Sur la base de données in vitro,
une prophylaxie antirétrovirale de 2 semaines semble acceptable,
pour autant qu'elle soit mise en place les tout premiers jours suivant
l'exposition au VIH, soit le moment où elle est le plus efficace
(17).
4. Contrôles
Les contrôles et le suivi devraient
être pratiquées de manière analogue à ce qui
est proposé en cas d'exposition professionnelle (2):
5. Déclaration anonyme
Il est important que les cas d'exposition
au VIH en-dehors du milieu médical dans lesquels est prescrite une
PEP-VIH soient annoncés au moyen du formulaire en annexe
1. Prière de transmettre ces formulaires pour:
Les résultats de ces déclarations seront publiés, tout comme les développements en matière de PEP-VIH, dans le Bulletin de l'OFSP.
6. Mémo pour le
personnel consultant non-médical
Une PEP-VIH ne peut être prescrite que
par un médecin. Indépendemment de cet état de faits,
les collaboratrices et collaborateurs des antennes-sida locales et d'autre
lieux de conseil et de consultation se verront également confronté-es
aux questions relatives à la PEP-VIH. Tenant compte de cette situation,
l'Aide suisse contre le sida (ASS) a publié un mémo pour
le personnel non-médical de consultation. Ce mémo peut êtr
obtenu auprès de l'Aide suisse contre le sida, Konradstrasse 20,
Case postale 141, 8031 Zurich, tél. 01 273 42 42, fax 01 273 42
62 [e-mail aids@aids].
Table 1: Régime recommandé pour la prophylaxie postexposition au VIH
|
|||||||
Substance | Nom de marque | Posologie | Remarques | ||||
Zidovudine (AZT) | Retrovir-AZT® | 2 x 250 mg po/j | - | ||||
Lamivudine (3TC) | 3TC® | 2 x 150 mg po/j | - | ||||
Indinavir | Crixivan® | 3 x 800 mg po/j | A jeun toutes les 8 heures | ||||
Nelfinavir | Viracept® | 3 x 750 mg po/j | Avec un repas |
Centres spécialisés en matière de VIH
Basel | Medizinische Poliklinik,
Kantonsspital, 4031 Basel, Tel. 061 265 50 05 |
Bern | Medizinische Poliklinik,
Inselspital, 3010 Bern, Tel. 031 632 27 45 |
Genf | Division des maladies
infectieuses, HCUG, 1211 Genf, 022 372 96 17 |
Lausanne | Division des maladies
infectieuses, CHUV, 1011 Lausanne, 021 314 10 16 |
Lugano | Ambulatorio di malattie
infettive, Ospedale Civico, 6900 Lugano, 091 805 60 21 |
St. Gallen | Infektiologische Sprechstunde,
Kantonsspital, 9007 St. Gallen, 071 494 10 28 |
Zürich | Sprechstunde der Abteilung
Infektionskrankheiten und Spitalhygiene, Universitätsspital, 8091
Zürich, 01 255 33 22 |
Auteurs principaux: E.
Bernasconi, M. Battegay, P. Vernazza, M. Flepp
(Les auteurs présentent leurs remerciements à tous les experts
ayant participé à l'élaboration de ces recommandations.
Un merci particulier s'adresse à la doctoresse Flavia Schlegel pour
son lectorat critique et ses suggestions)
Sous-commission clinique de la Commission fédérale pour les questions liées au sida (CFS), membres et experts: PD Dr. M. Battegay, Basel, Dr. H. Binz, Solothurn, Dr. E. Bernasconi, Lugano (Président), Dr. M. Flepp, Zürich, Prof. P. Francioli, Lausanne, Prof. B. Hirschel, Genf, Dr. J. Jost, Zürich, Fr. Dr. C. Kamber (BAG), Dr. L. Kaiser, Genf, Prof. R. Lüthy, Zürich, PD Dr. R. Malinverni, Bern, Dr. L. Matter, Bern, PD Dr. Ch. Rudin, Basel, Dr. P. Vernazza, St. Gallen.
Bibliographie